Cyber-guerre en carton |
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Pas une semaine sans qu’un article fasse la Une outre-Atlantique sur le thème de la cyber-guerre (1). Les Etats-Unis ne seraient pas prêts, ou à l’inverse, le seraient, pour remporter une guerre « virtuelle ». Il est permis de s’interroger. Qui des politiques, des militaires ou des journalistes, qui relaient des imbécilités doivent être blâmés. Depuis des années Kitetoa.com martèle que la cyber-guerre fait des cyber-morts, ce qui est tout de même moins grave que la vraie guerre, qui fait elle, de vrais morts. L’ineptie de la guerre trouve sans doute sa meilleure illustration dans le cynisme des responsables de l’armée américaine lorsqu’ils évoquent ad nauseam les dangers de la cyber-guerre. Tandis qu’une génération entière est actuellement sacrifiée sur les terrains afghans et irakiens pour des raisons que tout le monde sait, à présent, être plus que mauvaises, les responsables de l’armée américaine concentrent leur pensées sur une guerre virtuelle dont ils ont une vue pour le moins partielle (en tout cas pas technique) et donc erronée. A peu près autant d’ailleurs que les journalistes qui relayent leurs propos. Les Etats-Unis ont déjà du mal à gérer une infrastructure informatique pour mener une guerre traditionnelle. Comment est-il possible d’accepter l’idée qu’une hypothétique attaque globale informatique contre ses infrastructures (y compris non-militaires) soit un sujet pouvant constituer priorité ? L’essentiel n’est-il pas de sortir des deux bourbiers dans lesquels George Bush a plongé la jeunesse de ce pays ? N’a-t-on rien appris des effets dramatiques de la guerre du Vietnam sur la génération qui l’a menée ? N’a-t-on rien appris à la publication des articles sur la légalisation de la torture par les Etats-Unis ? Sur les mensonges liés aux supposées armes de destruction massive en Irak ? N’a-t-on pas pris la mesure des témoignages de reporters sur la mainmise des seigneurs de guerre en Afghanistan ? Sur le soutien (même involontaire) que leur apporte la coalition dans ce pays ? Mais revenons à la cyber-guerre. Francis Pisani nous apprenait sur son blog il y a quelques jours que Barack Obama avait repris à son compte l’idée selon laquelle les Etats-Unis pourraient utiliser l’arme nucléaire contre un pays qui lancerait, contre eux, une cyber-attaque. C’est une déclaration à la fois pathétique et ridicule. Premier point, une vraie cyber-guerre efficace ne peut être lancée sans un temps de préparation très important. Mais également sans moyens considérables. Enfin, elle ne sert à rien sans une attaque réelle en prolongement. Bien entendu, on peut supposer que la motivation ne soit pas une conquête « territoriale ». Qui voudrait tenter d’annexer les Etats-Unis ? On peut imaginer une cyber-guerre qui viserait seulement un objectif financier. La destruction du système capitaliste américain par exemple. Kitetoa.com décrivait ce scenario en 2000. Ceci dit, l’interconnexion des marchés financiers est devenue si forte, qu’une telle destruction aurait des effets collatéraux indéniables sur les pays qui voudraient se lancer dans une telle aventure. Hors d’un pays, il n’y a pas d’organisation disposant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lancer une telle attaque. Une cyber-guerre, ce n’est pas ce que la presse a décrit (véhiculé) à propos de l’incident Estonien. Présenté comme la première cyber-guerre, le petit déni de service contre quelques sites Internet de ce pays est une blague. De deux choses l’une, soit les responsables politiques, militaires et les journalistes - qui ont repris leurs propos sans plus d’esprit critique - sont ignares techniquement, soit ils mentent effrontément. Comme toujours, il convient probablement de chercher à qui bénéficie - a posteriori – cet incident. Une vraie cyber-guerre est un mélange très complexe d’actions dans le monde « réel » et dans le monde « cyber ». Elle ne se limite pas à un déni de service sur quelques sites Web. Techniquement, un niveau un peu plus élevé est attendu... En outre, celui qui lancerait une telle attaque souffrirait également dans le monde cyber. Pour faire simple (simpliste), de même que les radiations d’une explosion nucléaire peuvent revenir avec le vent, une attaque via des réseaux informatiques (notez le terme : réseaux informatiques et non pas Internet) risque bien de revenir dans la tronche de celui qui la lance. En partie du moins. Une ligne téléphonique pour le Pentagone, c’est possible ? Maintenant, prenons quelques exemples précis, histoire de démontrer à quel point le département de la Défense est déjà dans la mouise avec son infrastructure informatique pour mener une simple guerre bien réelle (2). Le plus emblématique est probablement l’incapacité à seulement sept jours du déclenchement de la guerre en Irak de mettre en place une ligne téléphonique entre les responsables de l’armée américaine et le gouvernement turc. Pas pratique pour obtenir les autorisations de survol... Mais on pourrait citer en vrac les soucis énormes en termes d’identification des forces amies et ennemies (d’où les impressionnantes pertes dues aux « tirs amis » en Irak et en Afghanistan). Ou encore le système JOPES (Joint Planning and Execution System) que des militaires décrivaient comme inefficace ou dépassé. Ou encore les terribles besoins en bande passante qui ont explosé avec ces deux conflits. Au point que les militaires se demandaient il y a quelques années comment ils allaient bien pouvoir faire s’ils ne lançaient pas très vite quelques fusées chargées de satellites. L’idée de faire passer leurs flux par des entreprises commerciales les défrisant quelque peu. A l’inverse des autorités françaises d’ailleurs. Enfin, citons les difficultés pour amener les troupes sur les terrains d’opérations. Avant d’aller faire la cyber-gueguerre, les militaires feraient bien d’être capables de mener un conflit réel sans mettre en danger toute une génération. (1) Quelques articles sur le sujet: (2) Il vous faudra nous croire sur parole, Kitetoa.com n’ayant pas la même approche que Wikileaks.
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