Date de parution : 18/02/1997
Internet, nouveau réseau de distribution pour les produits financiers ?
Internet est considéré par les entreprises qui en mesurent les possibilités comme un moyen de distribution dont les coûts sont excessivement faibles. Une aubaine pour le secteur de la finance, qui voit (parfois) dans ce réseau une alternative - ou un complément - aux réseaux classiques. Les projets, souvent intéressants, annoncés avant le milieu de l'année dernière étaient généralement perçus comme le produit d'imaginations trop fertiles. Mais les temps changent et l'appréhension du réseau par les entreprises se fait plus concrète.
L'année dernière a été marquée par de nombreuses initiatives dans ce domaine. Le micro-brasseur américain Spring Street Brewery a reçu l'accord de principe de la Securities and Exchange Commission pour mettre en place un système de cotation sur Internet. Le président de Spring Street, Andrew Klein, avait par ailleurs levé quelques millions de dollars sur Internet pour financer le développement de sa brasserie. Dans la même veine, de plus en plus d'entreprises américaines (généralement des starts-up) utilisent le réseau comme moyen de distribution lors de leurs introductions. Ainsi, Javelin Systems Inc. a proposé 5 % de ses titres sur Internet en octobre. Les discount brokers ne sont pas en reste et proposent des réductions très importantes (jusqu'à 20 % généralement) pour les clients qui choisissent de passer leurs ordres via Internet. Quant aux marchés financiers, ils tentent de suivre le rythme et le Nasdaq a créé la surprise récemment en annonçant la création de Portfolio Manager, un outil (gratuit) de suivi de valeurs (jusqu'à 300 titres).
Dernier projet en date, celui de Netscape et de Thomas Cook. Les deux sociétés se sont alliées pour fournir aux entreprises clientes du voyagiste une sorte de Bourse de devises. Elles pourront, en accédant au site web prévu à cet effet (Virtual Trading Desk), consulter les cours des devises en temps réel et procéder à des achats, si elles le souhaitent. Plus près de nous, AssurOnline propose des contrats multirisque habitation en ligne. Les économies générées par la diffusion électronique des contrats sont intégrées dans les tarifs offerts.
Dans un marché en pleine construction comme celui d'Internet, peu de monde ose parier sur la rentabilité à venir. Reste que certains gros acteurs comme le Nasdaq vont donner le ton. En effet, la diffusion gratuite de cours en temps réel risque de créer un phénomène d'entraînement pour les autres marchés. Or, si le Nasdaq est prêt à prendre un risque financier important (il vend ses cours en temps réel par ailleurs), rien ne dit que les autres places le soient aussi. De fait, nombre d'intervenants estiment que le marché < Internet > est toujours embryonnaire. La dernière étude en date, réalisée par Cowles-Simba Information, estime les ventes de biens par le biais d'Internet à 733,1 millions de dollars pour 1996. Un chiffre qui devrait toutefois passer à 4,27 milliards en l'an 2000.
Quant à ceux qui prennent les risques, ils rappellent, comme Andrew Klein, que le réseau des réseaux est un bon moyen pour biaiser les intermédiaires habituels, comme les maisons de titres. Alors que les investisseurs institutionnels raflent très logiquement la majorité des titres à bon prix lors d'une émission, le système imaginé par Andrew Klein permet à tout un chacun d'accéder à des titres aux mêmes conditions que les professionnels.
Même si peu de grands acteurs se positionnent actuellement sur ces marchés, avec un risque de prise de parts de marché de la part d'entreprises totalement extérieures au secteur financier, rien ne dit que la tendance ne va pas s'inverser. On verrait alors pas mal de petites brasseries faire le poids face à de très grosses maisons de titres ou à de grands gestionnaires de fonds mutuels, par exemple...