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Rien ne va plus pour le premier fournisseur mondial
d'accès à Internet. Ayant surestimé ses capacités, America
Online (AOL) ne peut plus faire face à la demande, ce qui a déclenché un
mécontentement sans précédent parmi ses clients. Aux Etats-Unis, un faux pas de ce type
se traduit bien entendu par une pluie de procès qui se terminent souvent par un accord
amiable sur un montant de dédommagement. AOL se retrouve donc face à une cascade de
procès. Ajoutons à cela que le fournisseur d'accès a annoncé une perte de 154,8
millions pour le trimestre au 31 décembre 1996... Pour finir, plusieurs analystes ont
revu leurs recommandations sur ce titre.
Les déboires d'AOL sont intéressants en ce sens qu'ils mettent en exergue une série de
comportements. Les investisseurs américains, poussés parfois par les analystes, ont un
comportement extrêmement versatile face aux valeurs liées aux nouvelles technologies.
Les entreprises de ce secteur sont quant à elles dépassées par la vitesse à laquelle
les mutations technologiques apparaissent. Les utilisateurs (leurs clients) ont vite fait
d'enterrer la rationalisation des comportements induite par l'entrée des aspects
commerciaux sur le World Wide Web lorsqu'ils sont déçus, pour reprendre les bonnes
vieilles habitudes : < interactivité = réponse violente lorsque le service n'est pas
à la hauteur. >
La majorité avait salué la décision d'AOL de s'aligner sur les fournisseurs d'accès à
Internet (ISP) classiques et de proposer un tarif au forfait (utilisation illimitée) en
décembre. Avec près de 8 millions d'utilisateurs, America Online est sans aucun doute le
premier fournisseur d'accès mondial. De plus, son contenu propre lui permet d'assurer un
certain niveau de recettes publicitaires ou liées au commerce électronique. Autant
d'atouts que ne peuvent pas avancer ses concurrents. Ce type d'aspects - positifs pour
l'avenir - ne devrait pas être négligé dans un secteur aux perspectives aussi floues.
Quoi qu'il en soit, les investisseurs restent très versatiles face aux valeurs liées aux
nouvelles technologies de l'information (NTI). Une attitude souvent relayée par les
analystes dont les points de vue s'opposent la plupart du temps.
On ne peut pas toutefois jeter la pierre aux analystes, dans la mesure où les entreprises
elles-mêmes sont capables de volte-face impressionnantes. La plus connue d'entre elles
étant celle de Microsoft, dont le président,
Bill Gates, n'aurait pas parié un cent sur l'avenir d'Internet jusqu'au jour où il a
misé pratiquement tout ce qu'il avait en poche... Même cas de figure pour les services
en ligne < propriétaires > comme Prodigy, Compuserve et America Online, qui ont longtemps cru
pouvoir survivre à l'explosion du World Wide Web. En outre, la technologie dans ces
domaines évolue à une vitesse telle que les entreprises elles-mêmes ont du mal à
suivre le rythme. Ainsi, les analystes de Wall Street ont inventé un concept amusant : la
< web year >. Constatant que tout va très (trop ?) vite dans le secteur des NTI,
ils estiment que la base pour une étude d'une valeur doit être trois mois (la web year)
et non plus un an... Dans la série < tout va trop vite >, on peut également citer
à nouveau AOL qui ne peut aligner suffisamment de modems pour répondre à la demande
provoquée par son offre de décembre. Avec 258.000 modems (400.000 prévus), AOL est
très en deçà du nombre nécessaire pour un confort minimal d'utilisation de son service
pour ses clients. Même avec 400.000 modems, AOL aurait à peu près un modem pour une
vingtaine d'utilisateurs, alors qu'il lui faudrait idéalement un modem pour dix
personnes...
Retour aux sources
Depuis près d'un an, le World Wide Web a été
l'objet d'une < autorégulation sur la base des règles du marché > comme aurait pu
le dire un personnage inventé par Goscinny dans < Obélix et Compagnie >. De fait,
il semblait que les hackers, les libertaires et autres informaticiens issus de 68 avaient
cédé la place aux hommes de marketing, au commerce électronique et à la vente par
correspondance... Mais, si l'on parle d'interactivité, autant lui donner un sens. Et,
lorsque le service promis n'est pas à la hauteur, on assiste à un retour aux sources. La
publicité initialement bannie du réseau (principalement sur Usenet) déclenchait
lorsqu'elle apparaissait des vengeances assez violentes contre les serveurs d'où elle
provenait. Lorsqu'AOL ne peut répondre à la demande, un groupe de 150 hackers annonce
une punition pour le 14 février...
On verra bien ce qui se passera. Sans doute pas grand-chose d'ailleurs. Les problèmes de
sécurité font fantasmer un grand nombre de personnes. Or, comme en toutes choses, il
faut raison garder. Les membres du Chaos Computer Club ont, par exemple, démontré que
l'on pouvait facilement forcer Quicken (le logiciel de banque à distance d'Intuit) à
passer des ordres de virements non désirés. Un hacker peut ainsi se faire virer une
somme sur un compte à l'insu des utilisateurs de Quicken. Même si cela est inquiétant
et qu'il est bon de la mettre en lumière (ce problème sera sans doute ainsi corrigé
très rapidement), on peut s'interroger sur l'intérêt d'une telle prouesse, étant
entendu que le hacker sera rapidement démasqué, le compte destinataire étant
identifiable. De même, lorsqu'une entreprise découvre un < trou > de sécurité en
raison de l'installation d'Internet, elle ferait sans doute mieux de chercher à combler
ce trou que d'ordonner la mise au ban du réseau pour deux ou trois ans... Mais il s'agit
là sans doute d'une résultante de la méconnaissance des nouvelles technologies de
l'information par certaines élites. On croyait pourtant ce problème réglé après le
forum de Davos dont l'un des thèmes phares était justement les réseaux informatiques...
Kitetoa
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