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Mario Conde, l'ancien président du Banesto condamné à 10 ans de prison en première instance

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Quelques dates:

1986: Mario Conde vient de boucler l'une des premières opérations financières modernes en Espagne. Il est à la tête d'un pactole de 450 millions de $.

1988: Il est à la tête du Banesto, l'une des premières banques du pays

1992/93: Conde est l'un des hommes les plus "connus" du grand public. Il représente la réussite. Il est le symbole de "la gente guapa".

1993: JP Morgan et Conde vont prendre une participation très importante dans la banque à la faveur d'une augmentation e capital. La finance internationale salue le projet.
Mario Conde s'oppose violemment à la politique macro-économique du gouvernement. Des rumeurs le disent "présidentiable"... Il est présent au travers du Banesto dans des journaux et contrôle une chaîne de télé.

28 décembre 1993: la Banque d'Espagne annonce, sans signe précurseur tangible, avoir mis sous tutelle le Banesto. La banque serait en faillite...

Ce papier ne va sans doute pas intéresser grand monde... Pour ceux qui plongeront dedans, c'est un embarquement pour l'histoire. L'histoire d'une Espagne malade de ses excès qui s'est cherché une victime expiatoire. Mario Conde, l'ancien Président du Banesto, qui avait réussi à emmener avec lui la banque J.P. Morgan est tombé fin 1993, lâché par tout le monde. Par les politique de droite et de gauche, mais aussi par le roi... Il y a quelques jours, en première instance, Mario Conde a été condamné à 10 ans de prison. Il y aura des recours et l'histoire n'est pas finie. Notons simplement au passage qu'il a été blanchi pour tous les chefs d'inculpation qui l'avaient fait échouer en prison...

L'Espagne a vécu quelques années au rythme des scandales financiers ou politiques. La presse généraliste -traditionnellement très engagée- s'est livrée à une véritable surenchère dans la publication d'informations pouvant mettre en difficulté tel ou tel camp. L'affaire du Banesto est l'un des thèmes qui ont permis à certains journaux comme El Pais et El Mundo de s'étriper joyeusement... Celle du GAL (groupes para-militaires financés par l'Etat pour lutter contre le terrorisme basque de l'ETA), qui n'est pas totalement déconnectée de la première, avait tout de même tenu la vedette pendant plusieurs mois. Bref, l'actualité espagnole il y a trois ou quatre ans était assez dense pour occulter quelques points essentiels qui auraient pu éclairer l'affaire Banesto sous un autre jour. Et puis, n'est-on pas habitués à crier avec les loups?

Des faits troublants

Ainsi, un livre aurait mérité d'être relu à plusieurs reprises pour mieux comprendre les dessous des cartes de cette drôle de partie de poker...

"La partie de chasse", le livre publié par Raul Heras, journaliste du quotidien El Mundo  retrace en effet dans le détail tout le processus politique ayant  précédé l'intervention de la Banque d'Espagne, mais dévoile également toute l'implication de l'Etat (au plus haut niveau) dans la mise en place du GAL. Aucune plainte n'a été déposée contre le journaliste ou sa maison d'édition. Ce livre remet en mémoire quelques anecdotes qui éclairent le lecteur sur les "pratiques" de l'institut d'émission (la Banque d'Espagne). Raul Heras rappelle ainsi que Luis Angel Rojo, gouverneur de la banque centrale avait accepté, formellement, en date du 15 décembre 1993, le plan d'assainissement du Banesto élaboré par Mario Conde et J.P. Morgan. Il devait ensuite le transmettre au gouvernement pour obtenir un "aval politique". Le 20 décembre, sans plus de commentaires, le gouverneur indique que le plan est inacceptable. Le 28 décembre, Mario Conde est reçu par le gouverneur et le vice-gouverneur, Miguel Martin, qui visiblement, mène désormais les débats. La solution pour régler les problèmes du Banesto passe par le départ de son président et la vente de ses actions au Banco Bilbao Vizcaya. Ainsi, le numéro deux de la Banque centrale propose au président d'une institution privée de vendre sa participation au capital le matin même du jour où sa banque va être mise sous tutelle. Il apporte même l'acheteur potentiel. Tout cela s'inscrivant dans un contexte de rumeurs d'intervention de la banque centrale qui fait chuter le prix de l'action en bourse. Le président de la CNMV (COB locale) sera mis au courant de la mise sous tutelle -selon ses propres dires- à la mi-journée. Par la suite, les autorités avanceront que la chute de l'action Banesto devait être stoppée par une mise sous tutelle.

D'autres détails amènent des questions laissées sans réponses précises. Les services d'inspection de l'institut d'émission présents physiquement depuis des mois dans la banque (le Banesto) avancent par exemple en 1992 le chiffre de 34,4% d'autocontrôle. Quelques jours après la mise sous tutelle, ce pourcentage repasse sous la barre légale de 5% à 3,8%... Ces exemple viennent étayer la thèse défendue par Mario Conde et son ancien conseil d'administration selon laquelle la mise sous tutelle du Banesto serait la conséquence d'une sorte de complot politique ourdi contre lui. Miguel Martin n'a-t-il pas expliqué à Mario Conde le 28 décembre 1993 que le problème du Banesto, était justement Mario Conde?

A l'appui de cette démonstration, Raul Heras rappelle quelques autres faits. Le Banco Central Hispano ne s'est-il pas lancé dans un processus interne d'assainissement portant sur 1.000 milliards de pesetas alors que les besoins d'assainissement du Banesto (372 milliards selon Mario Conde et 605 milliards selon la banque centrale) ont conduit à sa mise sous tutelle? Argentaria, le groupe public de banques voué à une privatisation, n'a-t-il pas transféré près de 500 milliards de crédits douteux à une structure externe publique (ICO) afin d'assainir son bilan? Le Santander, acquéreur du Banesto après la mise sous tutelle n'a-t-il pas obtenu l'autorisation de la banque centrale de créer une structure de cantonnement (SCI Gestion) non consolidable dans laquelle ont été transférés 364 milliards de pesetas? Une demande toujours refusée au précédent Conseil d'administration du Banesto. L'intérêt du Santander et de J.P. Morgan, mais aussi du marché, pour une banque dont la valeur comptable est, au dires de la Banque centrale, de zéro est, par ailleurs, là pour démontrer que la décision de l'institut d'émission n'a pas forcément été la bonne.

La banque centrale avait également annoncé après la mise sous tutelle que de fortes ventes d'actions Banesto avaient eu lieu quelques jours avant, laissant entendre que des membres du conseil d'administration démissionné avaient pu bénéficier d'une information privilégiée. Mais quelques mois plus tard, c'est l'un des dirigeants de l'institut d'émission qui a avoué avoir vendu ses titres Banesto. De même, Emilio Ybarra, président du BBV avait vendu des actions de façon contestable.

Des économistes indépendants

Bref, les arguments sont nombreux sous la plume du journaliste du quotidien El Mundo...

Et il n'est pas le seul à mettre en doute les intentions ou les actes de la Banque d'Espagne. A la demande de Mario Conde et Arturo Romani (son bras droit au sein du Banesto), le juge Manuel Garcia Castellon a fait nommer -par une association d'économistes- trois experts indépendants et reconnus qui ont analysé des faits reprochés par la Banque centrale. Ces derniers ont rendu leurs conclusions. Ils n'ont trouvé aucune preuve dans les dossiers en possession du juge pouvant accréditer la thèse d'un enrichissement personnel estimé en décembre 1994 à 7 milliards de pesetas par les enquêteurs de l'institut d'émission.

C'est notamment sur la base de ce rapport des experts de la Banque d'Espagne que le juge avait placé Mario Conde et Arturo Romani en détention préventive fin décembre 1994. Sachant que les enquêteurs de l'institut d'émission, présents dans la salle contiguë à celle où Mario Conde était interrogé, transmettaient questions et arguments au juge. Reste que les économistes indépendants qui ont planché pendant cinq mois sur l'ensemble des pièces dont dispose le juge ont estimé qu'elles ne sont pas suffisantes pour prouver les huit points constituant, selon la banque centrale, des artifices comptables ou les sept points considérés comme ayant permis un enrichissement personnel des deux anciens dirigeants de la banque.

Le volet politique

Sans revenir sur les velléités politiques prêtées à Mario Conde en 1993 qui auraient poussé le Partido Popular, les autonomistes catalans et basques et le PSOE à former une alliance sacrée pour stopper net le président du Banesto dans son ascension, il convient d'exposer certains volets politiques annexes de l'affaire Banesto.

Lorsque Mario Conde intègre la prison madrilène d'Alcala-Meco fin 1994, l'un de ses voisins n'est autre que Julian Sancristobal, ancien directeur général de la Sécurité de l'Etat et, semble-t-il, "maître d'oeuvre" du GAL. La rencontre des deux hommes permet à l'ancien président du Banesto de s'instruire sur tous les secrets d'Etat que le second veut bien lui livrer. Les révélations commencent par le "dossier Crillon" commandé à la société d'enquêteurs américains Kroll par le vice-président du gouvernement Narcis Serra. Celui-ci voulait en effet disposer d'armes éventuelles contre le président du Banesto. Des extraits de ce rapport sont par ailleurs bizarrement arrivés sur le bureau du président de J.P. Morgan Denis Weatherstone au moment de l'augmentation de capital du Banesto en août 1993. Par la suite, Julian Sancristobal révèle dans le détail le montage et les méthodes de fonctionnement du groupe terroriste GAL. Une seconde rencontre permet à Mario Conde de démêler les fils des affaires politiques ou financières qui secouent le pays. Juan Alberto Perote, ancien haut fonctionnaire des services secrets espagnols, qui n'apprécie ni ce que le gouvernement a fait des services secrets, ni ce qui arrive à l'ancien banquier, vient lui livrer sur un plateau d'argent l'ensemble des informations qui peuvent lui être d'une quelconque utilité pour se défendre des accusations portées contre lui. Pendant ce temps, alors que le gouvernement se débat dans les scandales liés au GAL et voit chaque jour apparaître de nouvelles révélations dans la presse, Felipe Gonzalez propose -selon Raul Heras- une trêve à Mario Conde.

En échange d'une accalmie dans la vie politique du pays, le président du gouvernement, par l'entremise de certains de ses ministres offre son aide pour que les problèmes judiciaires de l'ancien banquier se règlent au mieux. Il convient que les attaques -tant liées à l'intervention de la Banque d'Espagne qu'aux éventuelles affaires d'enrichissement personnel- ont été trop fortes. De plus, le président se propose de parler à Emilio Botin, président du Santander pour lui suggérer l'idée d'un dédommagement financier de 14 milliards de pesetas en faveur des anciens administrateurs du Banesto. Ceci correspondrait à la fois aux contrats rompus et aux 4% du capital du Banesto que détenait Mario Conde, dont la valeur a fondu après l'intervention. Cet accord n'a jamais été passé.

Mario Conde continue d'être le sacrifié d'une époque "el pelotazo". Et lorsque les juges de première instance abordent l'intervention de la Banque d'Espagne, ils disent qu'il n'y a aucune preuve que lui ou ses co-accusés aient créé d'artifices comptables pour cacher à la Banque d'Espagne la véritable situation du Banesto... Or c'est bien sur la base de tels arguments que l'institut d'émission avait mis le Banesto sous tutelle...

 

Kitetoa


Note de l'auteur: le coeur de ce papier a été écrit en 1997.

 

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