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Le Maître des noms et Les engagés, deux romans pour décrire la société de demain... Qui se construit aujourd'hui ?

Il y des romans qui vous laissent une impression étrange. C'est un roman. C'est inventé. On essaye de se persuader que ça ne peut pas arriver. C'est une sorte de techno-thriller, un roman d'anticipation. Et pourtant. En refermant la dernière page, on se dit quand même qu'il y a cette sorte d'impression de déjà vu, déjà ressenti. Ou presque. Comme si l'on venait de comprendre. Comme si la somme de toutes nos angoisses liées à la société de surveillance, à l'Etat policier qui se met en place depuis des années venait de s'opérer devant nos yeux, au fil des pages. Comme si le grand dessein qui nous semblait jusqu'ici un barbouillage imprécis et brouillon venait de prendre forme.

C'est le cas de deux romans écrits par Josef Ladik (c'est un pseudonyme), un magistrat. Le premier, Le Maître des noms vient d'être complété par Les engagés. Disponible dans toutes les bonnes librairies et sur les sites ad hoc.

Pour vous donner une idée de l'ambiance, voici le prologue :

Pour faire face à la menace terroriste et combattre la fraude à l'identité, l'État a créé un programme baptisé « Gorgone ». Tout citoyen, une fois atteint l'âge de douze ans, doit se faire implanter une puce électronique d'identification ou « capsule ». Partout, grâce aux capsules, des capteurs tracent et analysent les déplacements de la population pour garantir la sécurité de la collectivité.

Tout individu dépourvu de capsule passé l'âge légal est déclaré « clandestin ».

Suite à des débordements, les jeux non autorisés par l'État ont été déclarés illégaux. Parallèlement, le blasphème a été érigé en infraction pénale. Le président, qui garantit la cohésion nationale en concentrant tous les pouvoirs, est élu par vote électronique. Les candidats peuvent, en toute transparence, être sponsorisés par des fonds d'investissement ou des capitaines d'industrie.

Pour aider le gouvernement à lutter contre le terrorisme et les jeux illégaux, un corps d'agents spéciaux a été constitué : les « traqueurs ». Les traqueurs se mêlent anonymement à la population. Ils sont rassemblés par groupes de quatre, et tous possèdent leur spécialité.

La Compagnie est le consortium qui fournit à l'État l'ensemble des services de sécurité et de maintien de l'État de droit, ainsi que les machines à voter. Pour des motifs de sécurité nationale, l'actionnariat de la Compagnie est une donnée confidentielle.

Anne Ripley est une mère de famille comme les autres. Mais elle est aussi la directrice des ressources humaines de la Compagnie. Lundi soir, dans le métro, elle a trouvé un carnet. Par curiosité, elle l'a ramassé.

Au delà de l'intrigue et du décor, qui nous plongent dans un futur proche effrayant, Josef Ladik nous invite à une réflexion sur le destin des êtres humains, subi ou pas. Il nous invite à nous interroger sur la société que nous construisons, sur le contrat social qui nous unit ou nous désunit. Sur ce que l'on devrait accepter, ou pas.

Dans le Maître des noms, le décor est ainsi posé : « Travailler plus, gagner plus, vivre plus ; travailler moins, gagner moins, vivre moins. Les choses étaient simples, logiques, bien intégrées. Les messages du gouvernement, relayés par les groupes de presse appartenant à la Compagnie et par l'industrie du luxe avaient fini par payer : les citoyens ordinaires étaient devenus les agents bénévoles du maintien de l'ordre étatique ».

Citoyens ordinaires devenus sans vouloir le comprendre les relais d'une idéologie destructrice de ce qui fait notre humanité, la capacité de ressentir de la compassion pour les autres membres de notre espèce. Ordinaires... Deviendraient donc extraordinaires ceux qui ne vivraient pas pour gagner plus ? Ceux qui ne dénonceraient pas les « clandestins », ces rebuts de la société qui refusent d'être tracés par une puce RFID, ceux qui ne travaillent pas, forcément parce qu'ils sont des fainéants. Triste constat,tant l'inverse devrait être vrai. Si l'on se laisse gagner par l'ambiance de ce dyptique, on se laisse aller à des réflexions sur la nature humaine qui ne sont pas bien optimistes. Les hommes n'auraient-ils rien appris ?

Reste que ceux qui veulent continuellement surveiller plus, pour punir et enfermer plus, finissent toujours par être confrontés à ce maudit agent du chaos. Ce grain de sable qui vient gripper leur projet. Ils ont du mal à le comprendre, à se figurer qu'ils est en face d'eux. Car l'agent du chaos leur semble bien trop insignifiant. Josef Ladik cite ainsi Rorschach, personnage des Watchmen (lisez la BD plutôt que de regarder le film) : « you people don't understand. I'm not locked in here with you ! You're locked in here with me ». Et si vous avez lu la BD, vous savez qu'après avoir prononcé cette phrase, l'insignifiant petit bonhomme égorge quelques brutes qui pensaient pouvoir le tuer comme on écrase une fourmi. L'agent du chaos prend parfois la forme d'un homme, d'un projet politique concurrent. Dans le cas d'un état de surveillance totale, c'est surtout ce besoin irrépressible de liberté de l'homme. Lorsque l'on tente de l'étouffer, il se compresse avant de -fatalement- finir par exploser : « La République apprendrait que la liberté est une herbe folle. Rien ne l'empêche de percer le goudron ».

« Ceux qui abandonnent une liberté essentielle pour une sécurité minime et temporaire ne méritent ni la liberté, ni la sécurité » nous disait Benjamin Franklin. Que dire alors des hommes et femmes qui se croisent dans les deux romans de Josef Ladik : « Il n'y avait plus de toilettes publiques : plan Vigimax obligeant, elles avaient toutes été condamnées. Alors les gens pissaient dans la rue, ça puait, mais les mesures de sécurité passaient devant les règles d'hygiène. La sécurité était devenue l'hygiène de la société ».

Un monde pas si éloigné de nous finalement. « Si l'on avait pu créer un produit financier basé sur la valeur « enfants blessés », les banques auraient vendu des livrets « Espoir » à 15% minimum garanti, les bonus auraient continué à pleuvoir et les traders à se faire sucer en sniffant de la coke dans des voitures qui coûtaient le salaire de mille ouvriers, pendant que des mines antipersonnel arrachaient des bras et des jambes, et pendant que d'autres parents concevaient et produisaient des armes dans les usines. Du producteur au consommateur, le cycle de la vie ».

Au delà de ces réflexions politique et philosophiques, le dyptique de Josef Ladik vous entraîne dans un vortex de rebondissements. Alors que vous pensez avoir découvert les ressorts de l'intrigue, vous comprenez un peu plus tard qu'il y a autre chose. Dès lors impossible de ne pas tourner les pages, les unes après les autres, pour tenter de vous convaincre que non, ce ne peut pas être pire. Peine perdue... A lire de toute urgence.

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