SIEGE DE LA DEA LE 24 NOVEMBRE
Pierce Donovan, agent de la Drug Enforcement Agency, lisait lun des fax qui se trouvaient sur son bureau. Il étouffa un cri.
- Merde, il vient à New York !
Il prit son téléphone et commença à monter sa souricière.
Le soir même, sur la base des renseignements que lui avait transmis lagent de Cali (il ny a pas que les caïds des cartels qui peuvent soudoyer des hommes), il arrêtait José Ibañez en flagrant délit, chez lun des gros dealers de la ville. Les deux gros bras qui accompagnaient José avaient chacun un petit trou dans le front et une grosse flaque rouge jonchait le sol autour de leurs têtes. Ils ne voyageraient plus.
Dans lheure qui suivait, José se retrouvait dans une ferme en lointaine banlieue. Devant lui, une table et un téléphone branché à une série dappareils. Sur sa tempe, le canon froid dun revolver.
- Maintenant, tu vas gentiment appeler ton patron ou tu rejoins tes camarades dans lau-delà. Tu comprends bien ce que je te dis, demanda une nouvelle fois Pierce Donovan qui parlait un espagnol courant. Il pouvait à loisir prendre laccent bolivien, argentin, colombien... Pendant tout le trajet en voiture, derrière les vitres teintées, il avait patiemment et dune voix aussi calme que déterminée, expliqué à José ce que lui et ses agents attendaient de lui.
José sexécuta et composa le numéro du portable protégé. Sur lécran du portable, Juan put lire le numéro de téléphone appelant. Il sagissait du bon. José avait obéi aux hommes de la DEA quand ils lui avaient demandé depuis quel numéro il devait contacter son patron. Les machines connectées au téléphone avaient fait le reste.
- Señor, jai notre paquet, je serai là demain soir comme prévu.
Quelques secondes après, il raccrocha. Les agents qui retenaient leurs souffles se relâchèrent.
- Bien, maintenant, je vais texpliquer ce qui tattend, avança Pierce qui priait encore intérieurement pour que José nait pas donné un signal quelconque à son patron.
- Nous voulons tout savoir sur la comptabilité de Juan Contreras et les moyens que tu connais qui sont mis en place par le Cartel pour blanchir les fonds. Il nous faut aussi les rythmes et volumes de vos importations. Si tu ne dis rien, tu seras transféré dans la prison qui héberge les colombiens tombés entre nos mains. Je pense quils recevront un message de notre part comme quoi tu as parlé. Tu piges ce qui tattend ? Si tu es gentil et que ce que tu nous racontes nous intéresse, tu change de nom, de tête et tu disparais avec assez dargent pour vivre tranquillement où tu veux. Cest ça lAmérique mec.
Un ange passa.
Les neurones de José firent un tour assez rapide dans son cerveau.
- Ce que jai à dire dépasse votre imagination. Nous sommes bien au delà du trafic de drogue et de toutes les filières de blanchiment. Je ne parlerai que devant votre DCI. Au pire, devant le patron de la C.I.A.
- Rien que ça ! hurla Pierce.
Il se leva, changea de pièce et passa trois coups de téléphone. Le DCI serait là dans quatre heures.
FERME DE LA DEA, LE 24 NOVEMBRE DANS LA NUIT
- Bonjour M. Ibañez, je suis Samuel Winkle, voici mes papiers didentité. Vous avez souhaité me parler. Me voici. Jespère que ce que vous voulez nous raconter vaut la peine que je me soit déplacé de Washington...
- Je le pense. Je veux que vous signiez un papier me garantissant la liberté, une nouvelle tête, une nouvelle identité et 100.000 dollars par an pour vivre. Ensuite, M. Winkle, je vais vous dévoiler les tenants et aboutissants de ce qui va devenir le couronnement de votre carrière.
- Vous me semblez un peu présomptueux M. Ibañez.
- Je ne crois pas. Je vais vous parler dune organisation mondiale qui regroupe tout ce qui compte dans ce qui peut sapparenter à ce que vous appelez la Mafia. Et cette organisation prépare ce qui va être la fin des pays développés tels que vous les connaissez.
José sétonna lui-même de lassurance de sa voix.
- Voici le papier qui vous fait entrer dans le programme de protection des témoins M. Ibañez. Il était déjà signé. Mais je ne déclencherai la procédure que lorsque vous aurez fini votre histoire. Vous devez me faire confiance...
- Bien.
Une demi-heure plus tard, un agent de la DEA faisait office de " greffier " et tapotait sur son ordinateur tout ce qui était dit. Par ailleurs, plusieurs appareils enregistraient les conversations.
José se cala sur sa chaise, finit dun trait sa canette de Coca-Cola, et alluma une cigarette.
- Je travaille comme comptable de Juan Contreras depuis environ dix ans. Je détaillerai plus tard sa comptabilité et ses activités de trafiquant de drogue. Avant tout, je veux témoigner sur un péril qui menace les pays développés et en premier lieu, les Etats-Unis. Il y a quatre ans, quatre hommes sont venu passer cinq jours dans lhacienda de Juan Contreras. Ils ont installé deux ordinateurs et ont fait de nombreuses démonstrations de leurs capacités de pirates informatiques à mon patron. Il sagissait sans doute dune petite semaine de formation aux nouvelles technologies de linformation. En effet, je dois dire que mon employeur est ressorti de ces cinq jours enchanté par les perspectives ouvertes par une alliance avec ces hommes ou lorganisation quils représentaient. Le temps passant, jai appris à connaître lorganisation en question. Il mest rapidement apparu que nous nen étions pas les seuls bailleurs de fonds. Un peu partout dans le monde, notamment aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, en Asie, en Europe et en Europe de lEst plus particulièrement, tout ce qui compte dans ce que les autorités de tous les pays appellent la Mafia a été approché pour financer des activités qui ne devaient porter leurs fruits que six ou sept ans plus tard. Cest du moins le planning qui était évoqué à lépoque. Visiblement, le développement inattendu dInternet et son ouverture massive au grand public ont accéléré le processus. Pour ma part, je peux évaluer à 180 millions de dollars les sommes versées par Juan Contreras. Dont une bonne partie en liquide. Peut-être un tiers. Lorganisation qui communique par messages électroniques cryptés est structurée comme une entreprise cotée. En fait, les actionnaires ont un droit de parole dans des conseils en proportion de leur participation à linvestissement. Les conseils se tiennent en visioconférence sur le réseau. En échange des investissements, lorganisation apporte principalement deux choses. Une formation continue pour contourner les forces de lordre grâce au réseau. De fait, nous ne communiquons plus par téléphone ou fax avec les dealers, mais en utilisant les canaux de lIRC. En fait, il sagit de conférences ouvertes en permanence dans lesquelles nous pouvons entrer avec un pseudonyme et parler en temps réel au travers dun clavier dordinateur avec les autres personnes qui y sont connectées. La chose intéressante est que nous pouvons sauter dune conférence à une autre en changeant de pseudonyme en lespace dune seconde. Ainsi, je peux dire je serai là dans une conférence, à 10h00 PM dans une deuxième et enfin, après demain dans une troisième. Aucun policier ne peut suivre le rythme, puisquil ne sait pas dans quelle conférence je vais apparaître. La méthode était considérée infaillible jusquà ce que je me fasse arrêter...
José ne savait pas que la plupart du temps, les méthodes policières qui donnaient le plus de résultats concrets étaient celles qui faisaient appel à lêtre humain. En fin de course dans ce genre dactivité, linformation humaine est souvent plus fiable que toutes les machines perfectionnées.
- La deuxième chose est un retour sur investissement... Les hommes qui étaient venu convaincre mon employeur préparent - et cela, je lai su très récemment - une série dattaques informatiques sur les Etats-Unis. Je pense que vous avez repéré la chose ces derniers temps. Il sagit de faire plonger des entreprises en Bourse et dacheter au plus bas pour faire de grosses plus-values.
Je ne sais pas comment cela finira, mais jai entendu Juan en parler. Il sagit dune série dopération qui doivent faire plier les gouvernements des plus grands pays du monde. Vous pouvez signer votre papier M. le DCI. En tout cas si vous voulez savoir le reste de ce que je sais...
Samuel Winkle ne jeta même pas un regard aux agents. Il signa le papier en question, passa quelques coups de fil et se leva.
- Je rentre à Washington Des hommes de la C.I.A. vont venir vous chercher dans quelques heures M. Ibañez. Surtout... ne vous arrêtez pas de parler. Oui, en fait... jai oublié un détail, nous pouvons déchirer ce papier à tout moment...
Il sortit de la pièce, glissa un mot à Pierce et sortit. Une demi-heure plus tard, son jet privé décollait pour la capitale. Direction le bureau ovale.
- Bonjour messieurs. Premier point, prenez en compte quil ny a désormais plus de jours fériés, plus de jour ou de nuit. Organisez-vous comme vous le voulez, mais nous sommes en face dun problème trop grave pour que quelquun de nos services puisse dormir pendant que les méchants travaillent. Je laisse la parole à Samuel Winkle qui ma tenu au courant, dans la nuit, des derniers événements, lança le président à lassistance.
Les hommes se regardèrent sans un mot.
- Bien. Messieurs, nous nous trouvons devant une organisation dont nous ne soupçonnions même pas lexistence il y a encore quelques heures. Pour faire simple, des dizaines - ou des centaines, nous nen savons rien pour linstant - de gros bonnets ont été réuni par un groupe dhommes il y a quelques années. En échange de fonds importants, ils ont monté une structure qui utilise les nouvelles technologies de linformation pour simplifier la vie des trafiquants, terroristes et autres joyeux drilles. Par ailleurs, et cest le point qui nous intéresse aujourdhui, ils ont décidé de mettre à genoux financièrement et plus largement économiquement notre pays, puis - sans doute - dautres. La technique passe par des manipulations de cours. Comme vous le savez, nous en avons eu quelques démonstrations. Je passe sur la déstabilisation politique.
Il semble clair que la structure éclatée de cette organisation nous oblige à une plus grande coopération avec les services des pays amis si nous voulons arriver à un quelconque résultat. Dautant quil nest pas dit que les pays amis ne sont pas dans le collimateur des méchants.
Monsieur le Président, à ce stade, il me faut vous poser une question : voulez-vous écarter toute tentative de négociation avec les méchants ?
- Nous devons écarter cette possibilité M. Winkle. Nous allons leur botter le train. Toutefois, je note que nos services, ou ceux des pays amis sont passé complètement à côté de la mise en place de cette nouvelle organisation.
Le patron de la C.I.A. en profita pour lancer une petite pique. Le moment était bien choisi. Il détournait ainsi les pensées du Président sur un autre problème. Et au passage, sur un autre service que le sien.
- M. Irving, avons nous des nouvelles en provenance de votre petit génie de linformatique et de sa tentative didentification de lexpéditeur du message qui a fait plonger les deux entreprises informatiques ?
Le patron de la N.S.A. nota consciencieusement lattaque dAnderson dans un coin de sa mémoire. Pour plus tard.
- Notre petit génie, comme vous dites, a fini par tomber sur un os. Si vous voulez des détails techniques, je peux vous les donner, mais cela risque dêtre un peu long et obscur pour vous. Nous avons simplement confirmé que le message est sans doute venu dEurope du Nord. On hésite entre les Pays-Bas et le Danemark. Comme nous le soupçonnions et comme vous lavez confirmé de votre côté, ces gens là ont de très gros moyens. Mais, je vous rassure, sans doute pas autant que nous.
Le téléphone portable posé devant le Président sonna à cet instant. Enfin... Portable est sans doute un terme un peu réducteur. Cette ligne ne se trouvait pas chez nimporte quel opérateur de téléphonie mobile. Elle était protégée. Le niveau de cryptage était si important quaucune batterie dordinateurs, quels quils soient, naurait pu décrypter les conversations transitant sur cette ligne (ce qui dailleurs, naurait - la plupart du temps - eu aucun intérêt) tant le niveau de cryptage était important.
Le Président décrocha.
- Allô ?
La voix à lautre bout du fil était neutre. Militaire
- M. le Président, on nous annonce à linstant le déraillement dans le Minnesota dun train contenant des gaz toxiques destinés à larmée. LEtat est bloqué. Personne ne peut en sortir ou y rentrer. Toutes les mesures durgences prévues dans la cas daccidents de ce genre ont été prises. Toutefois, si lon sen tient à la nature du chargement, au lieu de laccident et à la population de la région de la catastrophe, on peut tabler sur au moins 50.000 morts.
Le Président se contenta dun " tenez-moi au courant au travers du système de visioconférence ".
Il raccrocha.
- Messieurs, une nouvelle catastrophe vient de se produire. James, allumez les écrans. Je veux CNN, une ou deux télés locales du Minnesota et notre système interne de visioconférence durgence. Nous ne pouvons affirmer quil sagit dune nouvelle attaque de nos méchants. Mais nous ne pouvons lécarter non plus. Cette fois on a un vrai paquet de morts sur les bras.
Alan Jones, prudent, comme à son habitude, ne dit rien. Son intuition lui disait bien que cette nouvelle catastrophe était le fait des méchants. Mais il nen avait pour linstant aucune preuve. Il se souvint simplement de la mise en garde de lagent Mulder contre une attaque de ce genre et de lavoir portée à la connaissance de cette même assemblée. Ces pensées ne suffirent pas à le réconforter. Il vomissait la suffisance des hommes qui se croient puissants. La puissance, cest comme une roue, cela tourne, pensait-il souvent.
William Anderson prit la parole.
- M. le Président, je vais avoir besoin de votre autorisation pour une opération à létranger. Nous souhaitons rendre une petite visite à Juan Contreras.
- M. Anderson, vous mexposerez en privé les détails que je dois connaître de cette expédition. Nous verrons cela ensemble et vous ferez une note de synthèse aux autres membres de cette assemblée. Messieurs, je vous le répète, je souhaite une totale transparence entre les services dans cette affaire. Dans le cas contraire, je prendrai des mesures Radicales.
Au travers des écrans, les personnes réunies autour de la table prenaient peu à peu la mesure du carnage. Selon le correspondant de C.N.N., une défaillance informatique aurait été à lorigine du déraillement, un aiguillage nayant pas fonctionné...
Les visages des responsables de la défense du pays le plus puissant au monde se fermaient au fur et à mesure que les images défilaient. Tout dun coup, le triomphalisme américain nétait plus ce quil était. Les méchants avaient marqué un point. Et dire que quelques heures auparavant, le Président et ses hommes se réjouissaient de la chute de Zeus (alias José Ibañez)...
PARIS, LE 26 NOVEMBRE, SIEGE DE TECHNONET
Pierre avait pris linitiative de réunir Dominique et André. Ce dernier avait refusé linvitation au bar dun grand hôtel et avait préféré une petite réunion intime au siège de lentreprise quil avait fondée. Pierre avait trouvé lidée assez bonne. Ils pourraient bénéficier des moyens de TechnoNet pour voir un peu quelle était la tendance sur Internet après la catastrophe du Minnesota.
Pierre se tourna vers Dominique qui étalait des fiches devant lui.
- Dominique, comme tu le sais, nous nous voyons ici car nous avons peut-être - et je dis bien peut-être - repéré lun des méchants qui ennuient les Etats-Unis. Par ailleurs, je tiens à vous mettre au courant dun fait particulier. Je dispose, depuis le début de cette histoire de fous, dun informateur privilégié. Je ne sais pas qui il est, où il est, sil est fiable et pourquoi il ma choisi. Toutefois, il semble si bien au courant de ce qui se passe outre-Atlantique que jaccorde foi à ses messages. Lavant-dernier E-mail que jai reçu de lui ma appris quune bande de mafieux sattaque actuellement aux Etats-Unis avant de passer au reste des pays du G-7. Ca, cétait le 23 novembre. Dans la nuit, jai reçu un message me disant que le Président américain avait donné son accord pour une mission dinfiltration dhommes de la C.I.A. en Colombie. Plus précisément à Cali. Il sagit de prendre le contrôle dun hacienda détenue par lun des membres du Cartel. Comme les Etats-Unis sont actuellement bien loin dêtre focalisés par la lutte anti-drogue, mais plutôt par des petits problèmes informatiques, je fais un lien avec cette histoire de Mafia. Dominique, je te laisse plancher là-dessus.
Bien revenons à notre méchant quAndré croit avoir repéré. Cest un jeune prodige de linformatique, il réside actuellement à Amsterdam et il a flashé sur une amie dAndré. Le coup de foudre nest pas du tout réciproque, mais cela pourrait nous servir pour ne pas perdre le contact avec lui. La copine dAndré confirme que lon peut prendre au sérieux lhistoire de ce type. Il lui a expliqué quil pouvait détruire les réseaux informatiques de la C.I.A.... André et moi pensons que si lon veut se préparer efficacement à ce qui va nous tomber sur le coin de la gueule dès que les méchants auront fini de soccuper des Etats-Unis, il serait bon de vérifier si ce type fait bien partie de la bande des méchants. Et dans ce cas, de le neutraliser et de le retourner. Quen penses-tu Dominique ?
- Bien... messieurs, avant tout, nous ne sommes pas dans un James Bond. Sur le fond, je suis daccord avec vous. Mais sur la forme, aller soccuper dun gars dans un pays étranger - même ami - ce nest pas si simple. Il me faut un certain nombre dautorisations et...
- Dites-moi Dominique, lança André, avez-vous une idée précise de ce que je pourrais faire avec quelques ordinateurs si je nétais pas un bon gars rangé ? Savez-vous que je peux assez facilement aller planter le réseau informatique de la DST si vite et si bien que vous ne saurez même pas doù ça vient ? Savez-vous quavec une connerie de ce genre, les Américains viennent de perdre plus de 50.000 de leurs compatriotes ? Que direz-vous à vos supérieurs le jour où un truc comme ça arrivera en France ? Que vous aviez une piste, mais pas les autorisations nécessaires pour allez planquer un mec à Amsterdam ?
- Ne nous énervons pas André, répliqua Dominique. Je réfléchis tout haut. OK. Reprenons. Votre méchant présumé, il a une faiblesse ? Femmes, alcool, argent ?
- Visiblement, il a un penchant pour la boisson, dit Pierre. A chaque fois que la copine dAndré la revu, il a nettement abusé. Ça le fait parler. Un peu. Il semble bien quil ait un problème de reconnaissance. En ce sens quil aime bien se vanter. Ses capacités ne doivent pas être suffisamment reconnues dans sa boite et il veut quon le prenne au sérieux.
- OK. On peut donc essayer de le faire délirer un peu. Je vous propose la chose suivante. Votre copine va lui tendre un piège en linvitant à un pseudo week-end en amoureux à la campagne. Nous, on se chargera de le faire parler en mélangeant quelques petits produits. Ca ira plus vite que de le faire rêver à un super job dans lequel il serait reconnu. Dautant que si lon a affaire à une quelconque Mafia, il doit avoir été briefé sur ce qui lui arriverait sil quittait la structure pour laquelle il travaille actuellement.
- Bon. Ca ne me parait pas mal. On fait quoi nous ? demanda Pierre dont lexpérience despion était, somme toute, assez limitée.
- Tu fais tes bagages. Toi, André, tu demandes à ta copine dinviter ce garçon dans une maison dont je te donnerai les coordonnées cet après-midi par téléphone. On va soccuper de ça. Il ne faut pas quils puissent remonter linformation et savoir qui est le locataire de la maison. Nous, on sera là-bas pour réceptionner les " amoureux ".
- Cest parti, lança Pierre à André.
REUNION VIRTUELLE EN VISIOCONFERENCE QUELQUE PART AU TRAVERS DINTERNET
Lécran de Jack était subdivisé en trois parties. La première comptait une quinzaine de petits écrans vidéo retransmettant les visages des " actionnaires ", la seconde lui permettait décrire son texte à destination de chacun des connectés et la troisième lui permettait de faire apparaître ou disparaître les écrans vidéo de la liste des personnes présentes. En tout, 139 personnes étaient connectées en même temps sur ce serveur.
Le texte défilait sur lécran de Jack.
.....
Contreras : je crois que le coup du train les a fait flipper !
Jack : messieurs, je vois que vous ne perdez pas votre calme et cest lessentiel. Notre plan marche à merveille, nous avons récolté un sacré montant en termes de plus-values et ce nest pas fini. dès que Wall Street atteint le niveau souhaité, je vous préviens par mail pour déclencher les ordres dachat. Nhésitez pas à stopper vos achats si lindice Dow Jones regagne plus de 10%. Nous le ferons replonger immédiatement.
Sergueï Molotov : Avez-vous besoin de fonds supplémentaires et pouvez-vous nous assurer que personne nest encore remonté jusquà vous ou jusquà Amsterdam?
Joe : Messieurs, nous sommes tous dans la même barque. Il est évident que si lun dentre vous ou lun dentre nous avait la moindre information sur les agissements de la cellule qui entoure le président américain, il la communiquerait aux autres...
Sergueï Molotov : vous le savez, nous avons des moyens " physiques " pour riposter. Les armes conventionnelles peuvent également être efficaces....
Jack : Sergueï, ils nattendent que cela. Quelque chose qui leur permette de mettre la main sur lun de nos hommes.
Sergueï Molotov : vous savez, je peux faire recruter des gens qui nauront aucune information sur nous.
Joe : Non. Sergueï, gardez votre calme sil vous plaît. Nous aurons sans doute besoin de fonds dici quelques jours. Nous comptons mettre en place une troisième voie. Au cas ou Amsterdam tomberait. On ne peut pas exclure quils trouvent la deuxième base à la suite dune action contre Amsterdam. Merci de verser les sommes qui vous correspondent par les voies habituelles. Les plus-values seront quant à elles versées sur vos comptes dans quelques jours.
Li Wang Too : Messieurs, je crois que je vais me retirer de notre assemblée. Il me semble que vous avez trop fortement provoqué les Etats-Unis. Ils ne resteront pas les bras croisés.
Jack : Vous savez bien que nos accords excluent une sortie dun membre avant la fin des opérations. Nous non plus, nous ne resterions pas les bras croisés si lun dentre nous quittait lassemblée... Quoi quil en soit, je vous invite à retrouver votre calme. Ils nont aucune piste. Nous avons un indicateur à la C.I.A. et il nous a confirmé quils navaient rien. Pas le début dune piste.
Joe : Messieurs, nous allons procéder au vote : poursuite des opérations et délégation à Jack et à moi-même pour les mener. Ceux qui sont pour, votent " oui ".
Une série de " oui " en face du nom de chacun des connectés vint safficher à lécran. Pas un ne fit défaut. Jack tapota la phrase suivante sur son clavier : Messieurs, pariez tous très fort sur une hausse des taux américains. Choisissez vos marchés avec soin, vous allez gagner beaucoup dargent dans les jours à venir. Tous choisirent dans le menu la fonction " Quit " et en quelques instants, il ne restait plus rien de la réunion virtuelle.
Jack se tourna vers Joe.
- Quen penses-tu ?
- Ils sont pépères. Lidée dengranger les sommes récoltées sur les marchés pendant la phase de test du dispositif les intéresse trop pour quils nous quittent maintenant. En revanche, je souhaiterais que léquipe Destruction fasse un saut chez lami Li. Quon le mette sous surveillance totale. Cartes de crédit, lignes téléphoniques, ordinateurs et entourage. Il ne faut pas quil se mette à parler ou quil nous quitte. Si cela lui passait par la tête, au moindre doute de lun des membres de léquipe D, quils agissent. Pas une seule trace. OK ?
- Cest parti.
Jack lança un petit logiciel lui permettant de se connecter sur un Buletin Board System situé aux Etats-Unis. Il écrivit un message pour " BigDildoo ". Le texte était assez anodin pour ne pas susciter léventuelle curiosité dun sysop :
Li est fatigué. Il faudrait que toute la famille soit à son chevet pendant les trois semaines qui viennent. Le docteur lui a prescrit une cure de repos total. Si son état devait empirer, il doit être évacué sur un hôpital sérieux. Tout le monde souhaite quil sagisse dune fausse alerte.
CALI, 26 NOVEMBRE, HACIENDA DE JUAN CONTRERAS
Juan avait ceci de particulier quen dépit de son teint mat, il ne pouvait cacher sa colère. Ce 26 novembre, dans son bureau, il était vraiment rouge de rage, sa bouche était relativement déformée par la colère et ses yeux étaient injectés de sang. Peut-être en raison de la fatigue ? Juan ne dormait plus depuis vingt-quatre heures.
- Javier, ven aqui idiota
- Si señor, aqui estoy
- Como es eso que no podemos encontrar à Ibañez ? Donde esta este cabron ?
- Monsieur, nous navons aucune nouvelle des deux hommes qui laccompagnaient. Nous avons lancé quelques messages par la voie habituelle pour tenter de prendre contact avec le dealer quil devait rencontrer. Lintermédiaire qui reçoit nos messages a accusé réception, mais depuis, pas de nouvelles.
- Hijo putas ! Americanos cabrones ! Continue imbécile ! Trouvez-le moi ! Demande à un de nos hommes de se rendre sur place !
A cet instant le téléphone portable de Juan sonna.
- Señor, cest José. Nous avons un problème.
- Où es tu, enfoiré, imbécile, trou du cul ? Cela fait vingt-quatre heures que je te cherche ! Jai dû faire bonne figure pendant le Conseil. Je ne savais pas où tu étais. Ils ont demandé si lun dentre nous savait si les Américains ont remonté une piste. Cabron, avec toi dans la nature, sans savoir si tu avais été arrêté, je devais dire quoi à ton avis ? Mon comptable est dans la nature, je ne sais pas où ?! Où es-tu nom de dieu ?
- Je suis dans un Motel en dehors de la ville. Après que lon ait récupéré le paquet, des hommes de la D.E.A. ont fait une décente chez notre dealer. Jimagine que cest cela qui est arrivé puisque quelques heures plus tard, on y avait droit aussi. Jétais au bar. Lorsque je suis remonté, je suis tombé sur la Police et un attroupement à létage. En questionnant les gens, jai appris que nos deux hommes étaient morts. Jai pu fuir, mais je pense que mon portrait robot doit être affiché dans tous les aéroports, les gares et les ports. Il faut donc que je trouve un moyen de rentrer avec le paquet.
- Santa madre de Dios ! Jolines ! Bon écoute trouduc, tu vas louer le premier avion privé que tu trouves pour rentrer ici avec la pasta. Compris ?
- Monsieur, ce nest pas si simple. Je suis aux Etats-Unis ici. Et, visiblement, ils en ont contre moi. Je vais commencer par acheter une voiture doccasion ou prendre le bus pour rejoindre la frontière avec le Mexique. Ensuite, je reprendrai contact avec vous. Si jétais arrêté, je détruirai mon portable afin quils ne puissent pas vous retrouver. Ne mappelez pas non plus Señor. Ce ne serait pas prudent. Je serai là dici une dizaine de jours au plus.
- Bueno. Tu fais comme tu veux pourvu que tu ne te retrouves pas dans les mains de la DEA. Et si cétait le cas... no abras la boca, que te mato. Tu choisis, le silence et de largent, ou tu parles et cest la mort. Compris ?
- Señor, cela fait bien trop longtemps que je travaille pour vous. Je ne ferai jamais derreurs. Soyez-en sûr !
- Hasta luego.
- Hasta pronto.
- Allo, Jim, cest Annie.
- Ah, bonjour Annie, ça va ?
- Très bien. dites, cela vous plairait de passer le week-end à la campagne ? Je devais partir avec une amie, mais elle me laisse tomber. Un copain de mon amie nous prête sa maison. Cest génial , piscine, jacuzzi, salle video. Bref, cest chez les riches, quoi...
- Euuhhh. Ecoutez, je ne sais pas si je peux quitter Amsterdam ce week-end. Je me renseigne... Enfin, je veux dire, je tente darranger le coup et je vous rappelle. OK ?
- Avec plaisir. Jattends votre coup de fil. A plus tard.
- A plus tard.
Une demi-heure plus tard, Jim rappelait Annie et lui annonçait que cétait avec une grande joie quil viendrait. Jim simaginait déjà dans le jacuzzi, nu aux côtés de cette belle française. Ses fantasmes prenaient corps dans son esprit. Il lui... A cet instant, Hendrick Avercamp fit irruption dans son bureau.
- Jim, vous rêvez... Bien, nous avons besoin de retourner chez nos amis de la FirstCorp. Cette fois, il faut se préparer à modifier quelques chiffres et deux études.
- Pas de problème. Nous sommes prêts. Nous pouvons faire cela en quelques heures.
- Attention à être aussi prudent - et même plus- que la dernière fois. Ils nous attendent cette fois-ci. Par ailleurs, je veux que vous planchiez sur la mise en place dune infrastructure de secours. Au cas où nous serions obligés de quitter les locaux de la Velde.
- Il me faut quelques machines et quelques heures pour transférer toutes les applications. Vous le savez, tout cela nest quune question de moyens financiers. Un bureau, une chaise et quelques ordinateurs et le tour est joué...
- Bien. nous allons donc lancer la mise en place dune nouvelle infrastructure. Pour les moyens, pas de problème. Faites-moi un devis. Quant à FirstCorp, vous allez vous intéresser à un producteur de machines-outils cotée à Wall Street, à une start-up cotée sur le Nasdaq et à un producteur de véhicules coté sur plusieurs places dans le monde. Vous mettez en place une procédure de désinformation classique et vous faites en sorte que les chiffres les concernant chez FirstCorp soient modifiés dans toutes les bases dès la première requête les concernant. Par ailleurs, vous vous occupez des études pondues sur le premier et le dernier par E&F Analysis. Dernier point, nous allons avoir besoin de jouer plus serré. Il va sagir de créer un mouvement de panique sur les taux. Il va falloir toucher des valeurs du Trésor américain. Mais jai ma petite idée là-dessus. Réfléchissez de votre côté. Nous en reparlerons.
- Bien monsieur.
QUELQUE PART AU PANAMA, LE 28 NOVEMBRE, DEBUT DE SOIREE
Les deux hélicoptères décollèrent. Chose amusante, la peinture grise - tirant vers le noir - qui recouvrait les deux appareils était développée et commercialisée par un fabricant davions français. Elle était à la fois sombre, ce dont les hommes qui se trouvaient à lintérieur avaient besoin, et très pratique pour éviter dêtre repéré par les radars. De fait, cette peinture réfléchissait les ondes radar.
A lintérieur de chaque hélicoptère, cinq hommes vêtus de tenues commando regardaient lhorizon. Les lunettes qui leur permettaient de voir la nuit posées sur leurs têtes leur donnaient un aspect assez diabolique.
Chacun repassait en mémoire les détails de lopération. Ils avaient pu mémoriser toutes les défenses et les systèmes de sécurité de lhacienda. Les plans fournis par José Ibañez aux agents de la DEA avaient été dune grande utilité. Par ailleurs, la maison et les alentours avaient été pris en photo par des satellites. La définition était assez bonne pour lire " Peligro : electricidad " sur des plaques accrochées à la clôture. De très belles photos, véritablement. Réalisées par Springfield, filiale de FirstCorp. Mais ça, aucun des hommes présents dans les appareils ne le savait. Dailleurs, ils nen avaient strictement rien à foutre.
On imagine souvent, après avoir vu un quelconque film daction que ces hommes ne connaissent pas la peur. Ce qui est relativement faux. Ceux qui oublient ce sentiment risquent un jour de ne pas revenir. Plus que ceux qui noublient pas les risques de leurs missions.
Et cette fois, ces hommes se dirigeaient vers une ville où ils nauraient pas pu se faire un seul ami. Même sils étaient venus en touristes. Tous avaient compté sur le fait que lhacienda était assez éloignée de la ville pour que les milliers de petits tueurs du dimanche que lon peut recruter à Cali pour quelques dollars ne se ruent pas vers la maison à la moindre lueur inhabituelle. " Les silencieux ne peuvent pas masquer la lueur de la détonation ", pensait lun des hommes.
Lattaque simulée en réalité virtuelle sur ordinateur avait planté la première fois. Mais une fois le problème rencontré réglé, toutes les autres tentatives de prise de possession de la demeure avaient réussi. Sans aucune perte humaine du côté des gentils. Ils avaient même réussi à garder en vie le propriétaire... Cest dire que tout fonctionnait comme sur des roulettes... virtuellement tout au moins.
Une lumière verte clignota. Puis une rouge. A cet instant, toute source lumineuse dans les hélicoptères disparut.
Quelques instants plus tard, les hommes étaient débarqués au pied de la colline où se trouvait lhacienda. Les hélicoptères, pratiquement silencieux se perdirent dans la nuit.
Il naurait pas fallu plus de dix minutes à un enfant pour gravir la petite colline sur laquelle était construite lhacienda de Juan Contreras. Il fallu plus dune heure aux hommes du commando de la C.I.A. pour parvenir au mur denceinte. Ils ne souhaitaient pas prendre le moindre risque. Et sils étaient équipés dappareils de vision nocturne, ils savaient également quune partie des gardes disposés un peu partout sur la colline létait également.
Un à un, ils avaient rendu " aveugles " les systèmes de sécurité. Les caméras de surveillance avaient chacune reçu leur petit miroir qui permettait de laisser croire à la personne assise devant les moniteurs de contrôle que tout était en ordre de marche et... calme. Les systèmes dalarme à infrarouges avaient été contournés avec la plus grande prudence.
Au pied du mur, les hommes avaient chacun disposé leurs charges explosives pour créer une diversion si cela devait savérer nécessaire.
Une fois à lintérieur, les chiens avaient reçu leur petite piqûre-dodo. Les viseurs laser accompagnés des appareils de vision nocturne et des leurres olfactifs avaient fait merveille. Lun des hommes se jura daller féliciter le labo qui avait mis au point ce truc qui développait une odeur amicale pour les chiens.
- Ce pourrait être utile pour les facteurs, pensa-t-il.
Une fois les derniers problèmes techniques liés aux alarmes diverses résolus, il fallu dix minutes aux hommes du commando pour prendre possession de lhacienda. Toute résistance avait été sanctionnée par une balle de calibre 22. Des armes spécialement adaptées à ce genre dopérations. Seul Juan Contreras qui - à priori - navait pas lair de vouloir se laisser faire avait été gratifié dune piqûre-dodo. Il dormait bien paisiblement sur un sofa, un serre-joint en plastique autour des poignets, ligotés dans le dos. Une position inconfortable qui navait pas lair de perturber son sommeil forcé.
Deux heures plus tard, il ne restait plus une trace de lattaque. Tout avait été " nettoyé ". Trois heures après le premier coup de feu, les moyens de communication apportés par le commando fonctionnaient. Deux heures après le premier contact avec le siège de la C.I.A., il ne restait plus que trois hommes sur les dix. Les autres étaient dans les hélicoptères, de retour.
Juan ouvrit les yeux et sa première vision fut un trou sombre. La pointe dun canon de revolver. Une poigne dacier lui serrait le cou.
Dans un espagnol parfait, accent colombien compris, il entendit :
- Tu vas être bien sage. Règle n°1, je suis le patron. Règle n°2, tu ne suis pas une des règles, tu es mort. Règle n°3, tu obéis à tout ce que te demande le patron. Règle n°4, si tu poses une question sans avoir demandé la permission, mon revolver te répond. Compris ?
Juan était un homme impulsif. Mais limpulsivité à ses limites que la raison connaît bien. Il opina. Même sil avait voulu parler, un gros sparadrap lui barrait le visage...
Les trois hommes se retrouvèrent dans une chambre.
- Aucun ordinateur.
- Rien pour moi.
- Ils doivent bien être quelque part !
Juan perdit deux doigts dans lhistoire. Des coups de feu partis trop vite... Sur ses conseils, les trois hommes trouvèrent la chambre forte et les ordinateurs quils cherchaient. Leur contenu partit rapidement par liaison satellite - le tout crypté - vers les Etats-Unis. Les hommes qui avaient débarqué chez Juan avaient reçu lordre de le faire parler afin de ne pas éveiller ses soupçons. Sils s étaient dirigés directement vers la salle des ordinateurs, Juan aurait immédiatement conclu que son comptable était tombé aux mains des autorités américaines.
Aux Etats-Unis justement, un groupe de personnes composé de membres de la C.I.A., de la N.S.A. et de lInfosec était en train de prendre possession des machines de Juan Contreras. En quelques heures, ils avaient réussi à créer un leurre sur le réseau. Désormais, tous les messages destinés à Juan Contreras viendraient se loger sur les ordinateurs des autorités américaines. " Americas the best " pensa lun dentre eux. Il allait rapidement se rendre compte que ce nétait pas toujours vrai...
Les trois hommes du commando réalisèrent un moulage du visage de Juan, nettoyèrent soigneusement à leur façon la maison afin de ne laisser aucune trace. Enfin... Aucune des leurs. Les fichiers de la C.I.A., du F.B.I. et de la DEA leur avait permis demmener avec eux des copies de certaines empreintes digitales sous forme de film plastique. En quelques minutes, ils eurent déposé à quelques endroits stratégiques la signature des crimes commis dans lhacienda. Ils disposèrent à nouveau les corps des hommes de mains de Juan un peu partout dans la maison. Un petit texte écrit avec le sang dun des cadavres acheva de peaufiner lhistoire. Lun des trois hommes pensa à la subtilité de cette mise en scène. Ils récupéraient Juan Contreras, le faisaient passer pour mort (enlevé tout au moins) et ils déclenchaient une guerre au sein des cartels de la drogue. Que de bénéfices. Cétait trop beau.
Quelques heures plus tard, ils étaient à leur tour avec Juan dans lun des hélicoptères.
Aucun des hommes placés sur la colline navait la moindre idée de ce qui sétait joué cette nuit là dans lhacienda quils étaient censés surveiller.
SIEGE DE LA VELDE, B.V. LE 29 NOVEMBRE
Hendrick Avercamp entra dans la " salle des machines " lair concentré. Il allait jouer serré pour faire plonger les obligations du Trésor américain. Son plan était simple. Ce qui ne voulait pas dire quil allait marcher. Il comptait faire plonger dans le rouge une grande banque américaine qui portait un volume très important de ce type de valeurs et jouer sur les effets systémiques.
- Jim, vous êtes prêt ?
- Oui monsieur, tout tourne au poil.
- Bien, entamez le processus de virements.
- Bien.
Jim lança ses programmes, les connexions se firent. Il utilisa les mots de passe si chèrement payés à lun des collaborateurs de la banque. En quelques secondes les chiffres commencèrent à défiler.
- Pour combien de temps en a-t-on ?
- Entre une heure et une heure et demi si lon veut être vraiment efficaces.
- On a des risques dêtre découverts ? Même après ?
- Je ne pense pas. Nous allons laisser beaucoup de traces à lintérieur des systèmes de la banque, mais il est peu probable que les autorités ou les experts de la banque puissent remonter au delà du serveur utilisé pour accéder à leur système informatique. Serveur que je vais dailleurs détruire. Au mieux, tout peut planter au milieu sils ont mis en place un système de protection pour éviter ce genre daction qui, sil était intelligent, le système devrait refuser. En une heure, pratiquement toutes les liquidités de la banque vont migrer vers des comptes extérieurs. Si jétais le patron des systèmes de létablissement, je marrangerais pour éviter ce genre de choses. Mais ils sont tellement persuadés que personne ne pourra entrer et faire ce genre de choses quils nestiment pas utile de mettre en place ce type de protection.
- Bien, faites moi signe dès que cest fini.
- Oui monsieur. Je vous rappelle par ailleurs que je suis à la campagne ce week-end. Mais vous pouvez me joindre sur le portable si nécessaire. En tout état de cause, mes assistants peuvent prendre le relais sur nimporte quel problème.
- Bien sur, pas de problème Jim.
Une heure et dix minutes plus tard, la banque était vidée de ses liquidités et ne pourrait plus faire face à la moindre demande. Tout avait été viré sur des comptes qui ne serviraient jamais à personne. Largent dormirait par paquet de 100 millions de dollars. Personne ne le réclamerait jamais. Et les banques qui hébergeaient ces fonds avaient été choisies pour leurs réputations. Elles ne chercheraient jamais à savoir pourquoi ces fonds avaient atterri là et à qui ils appartenaient. Encore moins pourquoi il ny avait aucun mouvement sur ces comptes. Quand bien même elles le feraient, quand bien même quelquun trouverait quil sagissait des fonds disparus, il serait bien trop tard pour renverser la situation et poser le moindre problème aux associés de la Velde B.V..
MAISON-BLANCHE, 29 NOVEMBRE AU SOIR
Le président de la première puissance mondiale, tant sur le plan économique que militaire, était allongé sur son lit, le regard perdu dans le vague. Comme si le plafond de la chambre était transparent et quil donnait sur un ciel étoilé. Le président cherchait sans doute létoile du berger...
Il se remémorait les rapports des différents groupes travaillant sur le problème. Aucune piste sérieuse à part Juan Contreras. Il avait été difficile à convaincre - de toutes façons, le président ne voulait pas savoir comment il avait été décidé et par qui - mais il avait fini par se mettre à table. Quoi quil en soit, cela ne donnait pas grand chose de plus que ce qui avait été collecté avec laide de José Ibañez, son comptable.
Le président sentait par ailleurs tout le poids de sa fonction. Cela ne résidait pas tant dans ses responsabilités vis-à-vis de ses concitoyens que dans les concessions et les courbettes quil fallait savoir faire à tous les groupes de pression. Et ils étaient nombreux. Ces dernières heures, Bill Clinton avait reçu le Speaker de la Chambre des représentants, le patron du Sénat et quelques généraux. Les premiers cherchaient à renverser le président pour conserver leurs sièges et les seconds voulaient déjà lancer quelques bombes à énergie électromagnétique (qui détruisent les appareils électroniques) suivies de quelques bombes atomiques. La pression devenait un peu trop forte, pensa-t-il. Le déraillement du train lavait paradoxalement aidé. Il avait fait maintenir secret le rapport de la C.I.A. selon lequel il sagissait bien dune attaque des méchants et avait incendié létat-major pour leur négligence. Un tel accident ne pouvait pas arriver dans un pays comme les Etats-Unis leur avait-il rappelé... Les généraux, craignant pour leurs carrières avaient mis la pédale douce. Leurs velléités guerrières avaient été un peu calmées.
Bill Clinton se souvenait de sa campagne, saxo à la main. Tranquille... Son élection, sa réélection... tout était si simple et agréable. Depuis le début du mois, il avait compris bien des choses et son attitude vis-à-vis de son poste changeait. Il trouvait cela un peu difficile à gérer...
Il repensait soudain à la discussion quil avait eue avec Al Gore et qui avait abouti à des déclarations tonitruantes sur le développement obligé dInternet et des NTIC en général pour le pays. Soudain, une pointe de regret faisait son apparition. " Al ny croyait pas. Pourtant ça a bien marché sur un plan électoral. Quand je pense à ce Jacques Chirac qui nous a emboîté le pas... pensa-t-il. Un sourire se dessinait sur son visage alors que cette dernière pensée senfuyait déjà.
SIEGE DE LA FINANCE, VENDREDI 29 NOVEMBRE
Pierre était penché sur lécran de son ordinateur. Il mettait à jour ses notes sur cette histoire abracadabrante de guerre électronique. Comment avait-il pu être embarqué dans tout cela ? Il en était au passage sur lopération Jim/Annie quand un clignotement sur lécran lui indiqua quun message était arrivé par Internet. Il ouvrit la messagerie Netscape.
Un message de Bill...
Il lut tranquillement mais avec un intérêt non dissimulé. Ce message tombait à point. Juste avant lopération dAmsterdam.
Subject: What do YOU think you know?
Date: Sun, 29 Nov 1999 11:43:35 +0100
From: Bill Clinton bclinton@whitehouse.gov
To: pmartinie@lafinance.fr
Vous êtes moins fort que je le pensais. vous avez bien compris le rôle volontaire ou involontaire - à vous de juger - de la FirstCorp, mais vous navez pas suivi la petite affaire colombienne dont je vous parlais dans un de mes derniers messages. Mais je comprends quil soit difficile de suivre les agissements des forces spéciales américaines depuis Paris. Même les journalistes locaux ne trouvent généralement rien avant des mois lorsque les militaires font un coup. Enfin...
Bien, les forces spéciales américaines ont rapatrié un Juan Contreras et ont fait passer sa disparition pour un règlement de comptes entre gros bonnets. Ce qui nous intéresse dans cette histoire cest que Juan Contreras fait partie de lorganisation dont nous parlons depuis un mois. Dici quelques temps, les Etats-Unis vont comprendre exactement ce quil se passe. Ils auront loccasion de réagir. Même sil est peu probable quils puissent éliminer toute lorganisation sans subir eux-mêmes des représailles importantes, on peut supposer que tout cela va se calmer dans les mois à venir. Toutefois, rien ne dit que dici un an, lorganisation ne va pas se reformer. Et cette fois, ils se tourneront sans doute vers des pays européens, plus vulnérables, informatiquement parlant.
Je vous félicite pour votre projet aux Pays-Bas. Si vous vous débrouillez bien, vous allez marquer un point du même acabit que celui que viennent de marquer les Etats-Unis. Avec un petit plus : vous pouvez, toujours en vous débrouillant bien, détruire lune des bases de lorganisation qui se trouve dans ce pays. Mais pensez de façon basique ! Coupez un bras à un homme, il lui reste lautre. Coupez-lui les deux, il apprendra à écrire avec les pieds. Coupez-lui le jambes, il lui reste son cerveau pour diriger et faire faire par dautres... En clair, ne vous contentez pas dun ou deux succès. Par ailleurs, si vous voulez gagner, alliez-vous avec les américains. Dans quelques jours ou quelques heures, vous aurez chacun une pièce du puzzle. Vous ne gagnerez pas sans vous mettre daccord. Pensez " basique " et " mondial ". Sans quoi, cest cette organisation qui gagnera la bataille. Vous me direz, cela aurait un côté amusant. On peut effectivement être curieux de voir naître une sorte de troisième voie entre le capitalisme et le communisme. Finalement, cette planète na connu que ces deux formes dorganisation de la société, avec des aménagements selon les pays. Imaginez un monde dirigé par ce que ces deux régimes qualifient de " forces du mal ". En gros, cest comme si tout dun coup, le monde entier était sous la coupe dun régime qui érige - pour lui et ses dirigeants - en valeurs fondamentales, ce que les régimes actuels estiment être hors la loi. On a vu des dictateurs prendre le pouvoir et vider les caisses dun pays. En revanche, on na jamais vu un dictateur prendre les rennes des Etats-Unis, de lancien bloc de lEst et dune partie de lEurope à la fois. Dailleurs, les hommes qui sont à la tête de cette organisation ne videraient sans doute pas les caisses de ces pays, ils les rempliraient en changeant le type de commerce international que lon connaît actuellement... Combien de temps cela tiendrait-il la route ? Bon sujet de réflexion, non ?
Je vous laisse là dessus et vous souhaite toute la réussite possible pour votre opération de ce week-end. Je suis beau joueur.
Pierre se carra dans son fauteuil. Ahuri. Comment Bill avait-il appris lexistence de cette opération ? Pourquoi finir sur cette phrase " je suis beau joueur " ? Etait-il membre de cette organisation ? et dans ce cas pourquoi le renseignait-il ? Depuis le début, Pierre pensait que Bill était un haut fonctionnaire américain, proche du président ou un militaire. Cette phrase le laissait perplexe.
Il composa le numéro de Dominique.
- Salut, cest Pierre.
- Salut. On est prêts. Tu nes pas obligé de venir avec nous. Ta présence est un risque supplémentaire pour lopération. Mais je ne peux pas te refuser formellement de nous accompagner.
- Ce nest pas pour cela que je tappelle. Je viens de recevoir un E-mail de mon contact. On a touché dans le mille avec ce gars aux Pays-Bas. Il est le lien avec lune des bases de lorganisation en question, mais il parait quil y a bien dautres bases. En gros, ce que me dit mon contact, cest que même si lon arrête tout le monde là-bas, cela ne veut pas dire que lon aura détruit la tête. Elle recommencera depuis un autre endroit. Par ailleurs, les américains ont marqué un point, ils ont chopé un des membres de lorganisation. Mon contact me recommande un rapprochement avec les autorités américaines une fois que lon aura attrapé et fait parler notre ami Jim.
- Je vois...
- Et ?..., lança Pierre.
- Et... et bien cest une idée qui nest pas complètement mauvaise, mais nos amis américains ne sont pas très coopératifs avec nous. Tu sais, ils racontent partout que nous sommes très méchants, pires que le Mossad. Alors...
- Bon, à part ça, je crois que je vais venir quand même. Même si je nécris rien dans le canard sur toute cette histoire, jen ferais peut-être un bouquin sous forme de roman un jour. Qui sait ? Au moins jaurais vu une action des services de contre-espionnage de près
- Comme tu veux. Départ ce soir de Villacoublay. Mais on se retrouve à dix-huit heures dans le quinzième arrondissement devant le siège de la DST. OK ?
- Ca marche. A plus tard.
APPARTEMENT DE MICHAEL COLLIN, 29 NOVEMBRE
Ce qui frappait chez Michael, cétait limpossibilité de lui donner un âge. Il ressemblait à nimporte quel étudiant américain classique. Lair débraillé en permanence, les cheveux un peu trop long, juste de quoi ressembler de loin à un surfer - la carrure en moins - et lair dans la lune. Sil avait connu Gaston Lagaffe, peut-être se serait-il reconnu. Quoi que... Il prenait soin de son apparence. Celle-ci était le fruit dune réflexion et non pas dun désintérêt pour sa personne ou son look.
Cétait dailleurs son apparence qui énervait tant Kevin Johnson. Le propret et fringuant responsable de la section des délits financiers sétait plaint - une seule fois- à lun des proches de John Irving de cette apparence négligée. Il ne comprenait pas que lon puisse réussir à faire oublier une apparence par des talents réels. Kevin, en américain ultra-libéral pur beurre ne doutait pas un instant des capacités et des talents de Michael. Il les reconnaissait et les appréciait au fond de lui-même. Il comprenait également que Michael devait être payé à sa juste valeur. Il ne savait toutefois pas combien la N.S.A. avait dépensé pour sattacher les services de ce hacker. Johnson aussi avait ses qualités propres. En plus, il était toujours tiré à quatre épingles et rien nétait trop cher au moment de sacheter une chemise, un costume ou une cravate. cependant, il navait pas compris pourquoi son petit speech auprès de lun des directeurs de lagence navait pas porté ses fruits. Sil avait connu le chiffre inscrit au bas de la feuille de paye de Michael, il se serait littéralement étranglé et, il aurait compris pourquoi personne dans les hautes sphères de la N.S.A. nen avait rien à foutre de voir un gamin mal rasé pianoter sur ses claviers. Michael aurait pu venir travailler habillé en père Noël, tout le monde aurait fait comme si de rien était.
Michael avait fait venir chez lui (pour une fois) une jeune fille rencontrée sur Internet (bien entendu). Il avait rencontré Lea sur un canal de lIRC dédié aux machines sous Unix. Il avait été séduit par sa démonstration lorsquil avait posé une colle sur les moyens de prendre possession dune machine pourtant bien paramétrée. Très calme, pas prétentieuse, elle avait proposé une solution qui tenait la route. Peu à peu, leur relation électronique avait évolué. Ils avaient correspondu par mail, puis, ils avaient passé quelques heures en visioconférence sur le réseau. Michael avait fini par lui proposer de venir partager une pizza avec lui. Elle sétait fait prier quelques temps - histoire de sauver lhonneur - puis avait accepté.
Et Lea, après une bonne pizza avait accepté les avances du jeune Michael. Ils étaient tous deux enlacés sur le canapé défoncé lorsque le téléphone portable de du hacker sonna.
- Michael ?
- Oui ?
- On a un E-mail dans la boite de Juan, venez tout de suite. En plus, les gars de lInfosec croient avoir détecté une nouvelle intrusion dans les réseaux de la FirstCorp.
- Jarrive.
Il tourna la tête vers Lea et la regarda avec un tel regard de cocker quelle ne put lui en vouloir.
Ils promirent de se revoir dès le lendemain.
SIEGE DE LA N.S.A. 29 NOVEMBRE
Michael arriva sur les lieux une heure plus tard. Il constata avec amusement que les gros malins despions - Kevin en tête - séchaient lamentablement devant le message intercepté dans la nouvelle boite aux lettres de Juan Contreras. Il était crypté avec PGP...
- Combien de temps cela va-t-il nous prendre pour casser le code ?, demanda Kevin à Michael.
- Mon pauvre Kevin, vous êtes un gentil garçon, mais il vous reste un certain nombre de choses à apprendre en matière de programmes informatiques. Personne ne peut casser un message codé avec une clef de ce niveau - si cest ce que je pense comme genre de clef. Personne na le temps et la batterie dordinateurs nécessaires. Mais on peut voir ce que lon peut faire... Avec un peu de chance...
Il sassit à son bureau, envoya la partie cryptée du message à un correspondant connu de lui seul et se mit à examiner le reste du contenu. Le message provenait dun remailer. Encore... pensa-t-il. Il observa la pièce-jointe. Longuement. Kevin commençait à perdre patience.
- Alors ?
- Alors, je vais passer ce message au poste qui se trouve à côté de vous, lisoler du réseau et regarder la pièce jointe.
Ce quil fit.
Trois minutes plus tard, le poste de travail en question affichait sur son écran le message suivant : Les USA ne sont plus. R.I.P...
Il fallu trois jours de travail pour récupérer la machine. Beau virus, pensa Michael en voyant ses effets sur lécran.
ENVIRONS DAMSTERDAM, 30 NOVEMBRE
Depuis la nuit précédente, Dominique, deux de ses collègues et Pierre étaient retranchés dans une pièce totalement insonorisée. Le seul lien sur lextérieur était deux grandes glaces sans teint leur permettant de voir ce qui ce passait dans le salon et dans la chambre principale de la maison. Sur une table était posé un petit pistolet à air comprimé, un projectile qui ressemblait de loin à ces piqûres hypodermiques destinées aux animaux, deux bouteilles de Coca-Cola en plastique, un téléphone par satellite et micro-ordinateur portable.
Annie et Jim arrivèrent à 11 heures 27 minutes du matin. Jim entra derrière Annie. Ils passèrent devant la grande glace 1930 accrochée au dessus de la cheminée. Annie se retourna vers Jim.
- Je vais voir comment est la cuisine et sil faut faire des courses. Mais je crois que le frigo est toujours plein, une femme de ménage le remplit au cas où le propriétaire débarquerait. Tu mattends ici ?
- Oui, je vais visiter doucement.
Annie disparut derrière une porte. Jim se cala devant la glace. Pendant une seconde, les quatre hommes derrière la vitre retinrent leur souffle. Ils avaient éteint la lumière, au cas où, pour éviter tout risque de transparence. Lappareil photographique numérique de Dominique se déclencha une dizaine de fois. Jim semblait vérifier quil était " désirable " pour cette belle française. Il passait et repassait sa main dans ses cheveux.
Pierre se dit que décidément, tous les hommes étaient aussi bêtes les uns que les autres. " Finalement, on nest pas très éloignés des animaux... ", pensa-t-il. Il chassa cette idée lorsquil vu le visage de Jim se figer devant la glace. Comme sil venait dapercevoir les quatre hommes cachés derrière. Jim approcha lentement son visage de la glace jusquà ce que son nez ne soit plus quà quelques centimètres de la vitre. Son regard se fixa. Dominique avait déjà saisi le pistolet à air comprimé.
Jim fit alors un mouvement brusque. Il rapprocha ses doigts de son menton et... perça un petit bouton quil venait de déceler sur ce qui devait être largument phare de sa séduction : son visage. Une fois ce problème réglé, il tourna les talons et séloigna vers la chambre. Annie était toujours scotchée au frigo, et commençait à trouver le temps long. Une fois dans la chambre, Jim tâta le sommier du lit double et un sourire béat vint illuminer son visage.
Les deux pseudo futurs amoureux se retrouvèrent dans le salon et échangèrent leurs " informations ".
- Le frigo est plein, les placards aussi, on a de quoi tenir tout le week-end.
- Le lit est fait, tout est parfait.
Ils entrèrent ensemble dans la chambre et posèrent leurs affaires. Jim se tourna vers Annie et tenta ce quil croyait être le premier de ses " coups ".
- Je vais prendre une douche si cela ne te dérange pas. Cest dingue, tu ne las pas vue, mais on pourrait tenir à cinq dans cette douche. Et en plus, les jets sont latéraux. Ca doit être génial.
Peut-être le rejoindrait-elle ?
Sil avait su quelle était la suite du programme, il se serait abstenu de prendre cette douche.
- OK, moi, je vais disposer nos affaires. Veux-tu que je vide ton sac aussi ?
- Si tu veux, merci.
- Je moccuperai des affaires de toilette après ta douche.
- Ne te dérange pas pour moi si tu veux entrer dans la salle de bains, je ne suis pas pudique.
- OK, très bien.
Annie priait pour que les autres débarquent avant que Jim ne lui saute dessus
Jim entra dans la salle de bains et tira la porte quil laissa soigneusement entrouverte...
Dominique, suivi de ses deux collègues attendirent patiemment quelques instants que leau coule et que Jim sexprime pour sortir de leur " planque ".
- Cest génial ces jets latéraux !
- Je vais essayer ça alors...
- Tu peux venir avec moi si tu veux, ça ne me gène pas.
- Euh... Vraiment ?
- Bien sur !
- OK, jarrive alors.
Jim vit une silhouette sapprocher au travers de la buée. Une fois la porte de verre dépoli de la douche ouverte il entendit un bruit étrange. Il neut même pas le temps de se souvenir de ce à quoi le bruit en question faisait appel dans sa mémoire. Cétait pourtant simple : le bruitage des silencieux dans " Les Barbouzes ". Il seffondra, nu, dans la douche où il avait tant rêvé davoir une relation sexuelle passionnée avec Annie.
" Pauvre gars ", pensa Dominique, " il y a vraiment un monde entre les rêves et la réalité ".
Quelques heures plus tard, ils étaient à la frontière. Annie et Pierre dans une voiture, les deux collègues de Dominique dans une autre et Dominique lui-même au volant dune " Espace " spécialement aménagée. Sous une foultitude de plaquettes publicitaires, un douanier aurait pu trouver en y passant beaucoup de temps, une trappe et dans cette trappe, un Jim toujours sous leffet du sédatif.
Mais Maastricht était passé par là... Aucune des trois voitures ne fit lobjet dun contrôle quelconque. Tout ce petit monde se retrouva dans un local de la D.S.T. quelques heures plus tard.
Jim se réveilla, encore nu, ligoté sur une chaise.
Il fallu quelques jours pour faire dire quelques mots à Jim qui continuait de demander à voir un avocat à la voix métallique qui lui parvenait par haut-parleur.
Dominique, caché derrière une glace sans teint et dont la voix était déformée, lui répondait inlassablement : tu seras mort avant.
" Accès de folie à Wall Street qui ouvre en baisse de 10%. Les investisseurs ont très mal réagi après lannonce de ce quil convient dappeler le hold-up du siècle. Ils sanctionnent ainsi la National Trusting Bank qui a vu ses caisses se vider littéralement ce week-end après - semble-t-il - une manipulation informatique. Le management de létablissement tente de rassurer les déposants qui font la queue devant les agences. Le marché grouille de rumeurs. Selon une source proche des autorités de contrôle, il semblerait que la banque sera mise sous tutelle dans les heures qui viennent, si ce nest dans les minutes. Les taux dintérêt devraient - en toute logique - subir quelques pressions à la hausse. En effet, la NTB est lune des banques américaines dont le portefeuille de bons du Trésor est le plus important sur la place. Or elle ne peut plus faire face à la demande de réalisation de la part de ses déposants. Par ailleurs, le marché ne peut absorber une telle offre sans que cela provoque des mouvements plutôt brusques."
Neil Mulder appuya sur le bouton " off " de la télécommande. Le commentaire financier du journal de 7 heures de CNN était éloquent.
- Fait chier. Putain, quest-ce quils font ces cons de la N.S.A. ? Ca ne peut pas durer comme ça, on va rapidement voir les gens descendre dans la rue et tout casser... pensa-t-il.
Il en voulait profondément à ces " imbéciles " des services de renseignement de ne pas lavoir cru quand il avait évoqué le risque dune attaque meurtrière. Il voyait maintenant les fondements de léconomie américaine touchés en plein cur.
- Mais comment ont-ils pu laisser circuler un train bourré de gaz pour larmée en ce moment... Il faut vraiment être con ! Il ne sen remettait décidément pas.
Une heure plus tard, il était à son bureau et ouvrait sa boite aux lettres électronique. Un message lui avait été redirigé par le serveur de mail du bureau de New York. Au moins un truc qui semble marcher dans ce monde de dingues, se dit-il en lisant le message :
Bonjour, je suis journaliste à Paris. Ce message est dirigé à la personne qui chez vous suit le dossier en cours de guerre électronique dont les USA sont victimes. Sans plus de détails, je tiens à vous signaler que je dispose de lune des cartes du jeu. vous avez la carte " colombienne ", jai la carte " européenne ". Prenez contact avec moi pour plus de détails.
Suivait le numéro de téléphone de Pierre à son bureau.
Neil se dit que pour une fois, un jeune gars avait fait son boulot comme il fallait. Ce message lui était bien destiné, mais il avait fallu un coup de pot incroyable pour quil lui parvienne...
Il resta planté devant son écran au moins dix bonnes minutes. Sagissait-il dun canular ? A priori, la réponse était " non ". comment un journaliste parisien pouvait-il être au courant de lopération en Colombie ? Un coup de bluff peut-être pour tenter de lui en faire dire un peu plus sur ces histoires de guerre électronique ? Non, sans doute pas, sinon il ne prendrait pas la peine de lui dire quil détenait une " carte européenne ". Laquelle dailleurs ? Ce gratte-papier aurait-il trouvé la base européenne des méchants ? Cétait trop beau pour être vrai. Il décrocha son téléphone.
- Cest reparti...! se dit-il lorsquil entendit sonner dans le combiné. Dans quelques secondes, il allait savoir de quoi il sagissait.
- Allo ? lui lança une voix pâteuse.
Pierre attendait le coup de fil dun agent du F.B.I. depuis des heures. Il ny avait plus personne depuis longtemps au journal.
- Bonjour, je suis Neil Mulder, du F.B.I. de New York. Vous mavez envoyé un mail.
- Mulder... Cest une blague ?
- Non monsieur, mais jespère que vous avez quelque chose dintéressant à me dire parce que jai du travail. Je ne suis pas un adepte des blagues.
- Pardon, je suis un peu endormi, il est tard ici vous savez. Pour poursuivre cette conversation, jai besoin de votre matricule, de votre nom et dune description physique. Il faut que je vérifie que vous êtes bien celui que vous dites être.
- Cest bon.
Neil lui donna les renseignements et un numéro de téléphone pour le joindre.
Un quart dheure plus tard, Pierre rappelait. Dominique avait également été tiré de son sommeil...
- M. Mulder ?
- Oui.
- Je vous envoie une clef publique afin que vous puissiez lire le message que je vais vous envoyer. Il est très descriptif de la situation. Vous avez le colombien, jai un européen qui a travaillé dans la base dattaque qui vous intéresse. Nous pouvons échanger des informations et tenter de les frapper à la tête plutôt quau bras. Vous me comprenez ?
- Oui, très bien.
- Jattends votre message.
- Il part tout de suite.
Neil et Pierre se parlèrent encore plusieurs fois par téléphone, échangèrent plusieurs mails, eurent des conversations à trois avec Dominique. Tout avançait plutôt bien et les deux français se félicitaient de tomber sur un américain aussi peu borné et qui était sur la même longueur dondes. Leurs analyses de la situation étaient similaires. Fait rare dans ces domaines... En attendant, Pierre pensait à Jean. Il allait avoir du travail demain. Pierre prit un pari : " ça va plonger de 15 à 17 % à Paris ".