Date de parution : 19/11/1996

"L'amour vache"

Les marchés financiers ont un côté particulièrement sympathique : ils ont leur propre logique et déroutent les observateurs extérieurs. Nombreux sont ceux qui s'interrogent lorsque, par exemple, un marché s'apprécie après l'annonce d'une perspective de ralentissement de l'activité économique. De même, les investisseurs semblent avoir un comportement quelque peu schizophrénique vis-à-vis des valeurs liées aux nouvelles technologies de l'information. Ils s'amourachent d'une valeur, la portent aux nues puis la délaissent. Les analystes de Wall Street nous ont habitués à des va-et-vient étonnants sur les perspectives des valeurs technologiques, notamment en ce qui concerne les titres des << starts-up >> cotées au Nasdaq.
Netscape est une bonne illustration de cet << amour vache >>. Le titre a été introduit à 14 dollars pour grimper jusqu'à plus de 170 dollars avant d'entamer un lent repli et de se stabiliser dans une fourchette de 40 à 50 dollars. Les nombreuses études expliquant que tous ces titres étaient très nettement surévalués ont sans doute favorisé cette baisse. Toutefois, Netscape a été à nouveau porté aux nues lorsqu'elle a proposé 5,6 millions de titres supplémentaires il y a quelques jours. Le cours passe dans la journée de 53 3/4 à 56 dollars. Les analystes s'empressent de commenter cette hausse et expliquent que les investisseurs << récompensent >> l'annonce d'un bénéfice net de 7,7 millions de dollars pour le trimestre au 30 septembre. Reste que ce n'est sans doute pas un bénéfice de 7,7 millions de dollars qui permettra à Netscape de mener efficacement sa guerre contre Microsoft. Guerre dans laquelle Microsoft investit plus de 2 milliards de dollars sous la forme de recherche et développement pour l'année à venir... Même si le comportement des investisseurs est tout à fait compréhensible, surtout dans une optique de spéculation, certaines informations ne semblent pas prises en compte par quelques analystes.
L'effet << je t'aime, moi non plus >> est encore plus visible lorsque l'on prend connaissance d'une étude menée par Ibes International sur les perspectives des sociétés du secteur << informatique >> (au sens large). Alors que les études se sont succédé dernièrement pour mettre en garde les investisseurs contre des cours surévalués, voici que 2.913 analystes sondés par Ibes estiment que les technologiques devraient enregistrer des chiffres d'affaires en hausse de 29,9 % en moyenne l'an prochain. Ce qui constitue la progression la plus importante parmi les secteurs représentés à Wall Street... << Les investisseurs vont là où se trouvent les perspectives de croissance. C'est-à- dire le secteur des technologies >>, explique Joseph Abbot, analyste chez Ibes.
Bien entendu, le développement d'Internet et les applications en entreprises qui peuvent être tirées des technologies liées à ce réseau enthousiasment les analystes consultés par Ibes.

Perspectives intéressantes

Si l'on s'en tient à l'histoire récente, les entreprises qui ont permis le développement de ce réseau et de ces technologies sont des starts-up sans perspectives de bénéfices à court ou moyen terme. La popularisation d'Internet est due au World Wide Web. Mais aussi à des entreprises comme Netscape, qui ont su développer des navigateurs << conviviaux >> alors que personne n'aurait parié un cent sur ce réseau naissant ou sur leur avenir.
Le développement des technologies liées à Internet n'est pas figé. Les perspectives des entreprises de ce secteur sont donc intéressantes. Mais au-delà des starts-up, les mastodontes font leur entrée (pour ceux qui ont pris le plus de retard) dans le << monde Internet >>. Outre les éditeurs de logiciels comme Microsoft, les opérateurs, dans le secteur des télécommunications, se positionnent. Les alliances dans ce domaine démontrent, s'il en était encore besoin, leur intérêt pour le réseau des réseaux. Une fusion comme celle de MFS/UUNET/WorldCom laisse rêveur...

KITETOA